HBS - European Alumni Summit
Du 21 au 23 octobre 2022, le HBS Club de France a organisé à Paris une conférence européenne sur le thème Re.Invent Leadership for a sustainable future.
Son idée forte : les enjeux sociaux et environnementaux ne sont pas incompatibles avec le business. Nos entreprises jouent un rôle essentiel pour construire une prospérité soutenable. Dans le cadre prestigieux de l’Institut de France, 250 participants venus de 17 pays ont pu assister à une série de conférences de grande qualité, incluant notamment des dirigeants de leaders mondiaux de leurs secteurs, des entrepreneurs, des acteurs de la société civile et des universitaires. Dans la tradition d’HBS, nos intervenants ont partagé des expériences concrètes, promu des exemples réussis et fourni des outils aux participants désireux de combiner création de valeur humaine, sociétale, environnementale et financière.
Évènements festifs et activités culturelles et sportives ont permis aux participants de se retrouver et nouer de nouveaux liens.
Le retour a été très enthousiaste, tant sur la qualité des échanges que sur les bons moments passés ensemble.
Contacts
Xavier Drilhon - xdrilhon@pmd1997.hbs.edu
François-Xavier Oliveau - foliveau@mba2002.hbs.edu (Lead Summit 2022)
Eva Taub - etaub@mba1992.hbs.edu (Lead prochain événement)
Site de HBS : Alumni Summit Explores Leadership for a Sustainable Future - Alumni - Harvard Business School (hbs.edu)
Vidéo : https://vimeo.com/784036820/abaac25836
Harvard Business Review (France) - Publié le 31/12/2023
L’amiral Pierre Vandier était l’un des intervenants lors de cette conférence. Il a récemment signé un article dans Harvard Business Review France où il a développé un certains nombre de thèmes présentés lors de notre conférence.
Pierre Vandier entre dans la Marine en 1987 et devient pilote de chasse embarquée sur Super-Étendard, puis Rafale Marine, dont il achèvera les expérimentations militaires et les premiers engagements opérationnels. Ses qualités lui valent par la suite d’être nommé au commandement de deux bâtiments : la frégate Surcouf en 2007, et le porte-avions Charles de Gaulle en 2013. Il a été engagé dans de multiples opérations : Guerre du Golfe, Bosnie, Kosovo, Afghanistan, Irak, Océan indien… Après diverses affectations en état-major, il prend les fonctions de chef du cabinet militaire de la ministre des Armées en 2018, avant d’être nommé chef d’état-major de la Marine le 1er septembre 2020. Il occupe les fonctions de major général des Armées depuis le 1er septembre 2023.
Face à la contagion du chaos : définir une nouvelle grille d’action
L’enchaînement des crises, leur violence croissante et la dégradation systémique de l’ordre international rendent caduc l’espoir d’un retour au statu quo ante.
Née du grand soulagement issu de la chute du mur de Berlin (Le soir du 9 novembre 1989) et de l’effondrement de l’URSS (Le 25 décembre 1991, Mikhaïl Gorbatchev annonce sa démission, conduisant le Soviet suprême à déclarer la dissolution de l’URSS et la création de la CEI le 26 décembre 1991.), la période de stabilité stratégique qui s’achève actuellement a conduit à aborder l’imprévu au travers du concept de « crise ».
Celui-ci emporte de façon implicite l’idée qu’une fois l’évènement perturbateur passé, les choses reprennent leur cours normal. Crise financière, crise humanitaire, crise sécuritaire, cette typologie s’est imposée dans tous les domaines en réduisant l’horizon du possible au maintien de la stabilité naturelle d’un système à l’équilibre.
Or l’évolution actuelle du contexte géopolitique révèle les limites de ce cadre conceptuel. L’enchaînement des crises, leur violence croissante et la dégradation systémique de l’ordre international rendent caduc l’espoir d’un retour au statu quo ante.
Les exemples ne manquent pas : enlisement de la guerre en Ukraine après plus de 600 jours de combat, chantages nucléaires, fragilisation de l’architecture de sécurité européenne (Derniers exemples : retrait russe du traité sur les forces conventionnelles en Europe le 7 novembre 2023, conduisant au gel de la participation des autres états, retrait russe du traité d’interdiction complète des essais nucléaires le 2 novembre 2023. Mais aussi : violations du traité de non-prolifération, arrêt des discussions sur la réduction des arsenaux stratégiques new START, dénonciation russe et américaine du traité sur les forces nucléaires intermédiaires (FNI),…), blocage du Conseil de sécurité de l’ONU depuis 2011, dégradation de la sécurité du continent africain, guerre au Proche-Orient autour du conflit en Israël, mouvements migratoires, désordre climatique,...
Ce constat met en évidence la nécessité de définir une nouvelle grille de lecture. Plus qu’une simple adaptation itérative de nos organisations, une profonde transformation est nécessaire pour leur permettre d’agir en stratèges dans un monde volatile et incertain.
Repenser le rapport au temps
Le dynamisme de l’innovation, le développement sans limite de l’activité humaine comme de l’information focalisent notre attention sur l’action du temps présent avec tous ses biais émotionnels. Le temps long est surtout vu comme une forme « d’externalité négative ».
En France, c’est en 2006 que le commissariat au Plan, mis en place en 1946 par le Général de Gaulle, a été supprimé. Dans le domaine militaire, comme dans celui de l’entreprise, cette tendance de fond s’est traduite par le dévoiement progressif de la notion de stratégie.
Tout l’enjeu actuel consiste à se réapproprier ce temps long, tout en agissant face à la « dictature de l’immédiateté ». Il s’agit de prendre rapidement des décisions, de bonne qualité, orientées par une perspective de long terme, en dégageant du chaos ambiant les lignes de force qui vont déterminer les rapports de force et les futurs équilibres.
Cela revient à instituer une forme « d’urgence du temps long » : ce n’est pas parce que c’est « pour dans longtemps » qu’il est pertinent de reporter la décision. Cela suppose de se dégager énergiquement d’un quotidien saturé par le court terme pour consacrer de façon volontariste du temps à penser, réfléchir et décider sur les sujets de long terme. Différer une décision, c’est souvent réduire le nombre d’options.
En ce sens, la lutte contre la « comitologie » devient indispensable en ce qu’elle conduit à diluer la prise de décision dans le temps et dans le groupe. En pratique, il s’agit d’incorporer une forte pression temporelle sur les choix à portée stratégique de sorte qu’ils commencent à porter leurs fruits au plus tôt, du simple fait qu’ils dressent un cadre de stabilité et de sens dans le chaos du quotidien. Pour y parvenir, il est nécessaire de bâtir des équipes pluridisciplinaires capables de dessiner une vision complète, « holographique » d’un sujet en temps contraint.
Elles permettent d’avancer de façon simultanée sur plusieurs axes, là où les organisations traditionnelles, tayloriennes, privilégient l’approche séquentielle des problèmes. Cette évolution méthodologique induit pour la chaîne hiérarchique un changement profond de culture, notamment pour les responsables qui doivent accepter une forme de lâcher prise sur le fonctionnement des équipes.
Accepter la complexité
Selon le second principe de la thermodynamique, toute transformation d’un système conduit à une augmentation globale d’entropie. Ainsi, l’arrivée du numérique qui multiplie de façon exponentielle le nombre et la densité des échanges a fait naître une complexité qu’il est illusoire d’espérer contraindre.
L’élu, l’ingénieur, le grand patron ou le militaire constatent tous cette prolifération organisationnelle et réglementaire (Les normes étatiques (loi, ordonnances, décrets, arrêtés) forment en France un cortège de 44.1 millions de mots. Depuis 2002 le code de l’environnement s’est épaissi de 653 %.), qui donne un sentiment d’étouffement décisionnel.
Dès lors, toute démarche de « simplification » est devenue un travail de Sisyphe qui accroît le sentiment de perte de contrôle.
Face à ce paradoxe apparemment insoluble, il s’agit d’opérer une bascule : considérer la complexité comme une « donnée d’entrée » avec laquelle il faut jouer pour trouver des opportunités nouvelles. Comme un hologramme, un problème a une forme différente selon l’angle avec lequel il est observé. Dès lors, la compréhension d’un dossier procède de la multiplicité et de la convergence des points de vue en partant du principe qu’il est impossible qu’un seul acteur seul puisse avoir la vision totale.
En ce sens, les outils numériques actuels portent l’ambition de dompter cette complexité en facilitant le recueil des données, leur synthèse ou encore en ouvrant l’accès à la simulation des effets des choix possibles. La prise de décision dans un univers complexe procède ainsi de la capacité à profiter de la richesse et de la diversité des visions, focalisées par la « lentille » des grands objectifs stratégiques poursuivis.
Introduire le risque comme donnée décisionnelle
Le développement de nos sociétés occidentales a conduit à aborder le risque sous l’angle de la précaution, c’est-à-dire du risque contenu, évité par anticipation, grâce notamment au développement des normes prudentielles.
Or précisément, l’incertitude profonde portée par le retour brutal de la conflictualité rend caduque cette ambition de « maîtrise » du risque.
À force d’avoir rejeté le risque hors les murs, nos sociétés ont perdu cette capacité à agir en tenant compte de la possibilité du surgissement de puissants cas non conformes. Le Covid-19 a été un bon exemple de prise à revers de telles approches purement prudentielles.
Il faut donc revoir l’intégration du risque dans nos schémas décisionnels.
D’une part pour décider d’en prendre, c’est-à-dire faire des choix non strictement prévus ou encadrés. Pour agir dans le chaos, nos organisations doivent avoir « l’ADN du surpassement ». Il s’agit de laisser les acteurs de l’organisation décider sur la base d’une « intention générale » donnée par la direction mais sans forcément directives ou ordres précis, partant du principe que ne rien faire est dans de tels cas pire que d’agir imparfaitement.
D’autre part, il faut réintroduire le risque en tant que « champ du possible » dans sa dimension de rupture. Il s’agit de passer d’une approche dans laquelle on a couvert, maîtrisé ou tout simplement évacué par des redondances la possibilité d’un risque à une approche dans laquelle, acceptant la possibilité de sa survenue, on met en place une organisation capable d’y faire face.
Cette approche conduit à se réapproprier les questions de stocks, de standardisation, de frugalité technique, de simplicité tactique qui permettent de conserver une capacité d’action dans le cas où la chaîne de commandement connaîtrait des difficultés sérieuses.
C’est par exemple le fait d’envisager dès le départ la perte des communications satellite, de savoir opérer malgré le brouillage des signaux GPS, de faire face à des ruptures importantes d’approvisionnements ou à des pertes militaires plus significatives. Le fait de raisonner en abordant systématiquement le « worst case scenario », tout aussi traumatique et pénible soit-il, permet d’envisager sérieusement les cas de rupture, et de trouver des solutions pragmatiques pour y faire face le cas échéant.
La contagion du chaos, et ce qu’elle emporte d’incertitude et de volatilité, incite à se réapproprier les fondamentaux de l’action : une conscience aiguë des enjeux, un regard lucide sur les difficultés et une confiance inébranlable dans la valeur de l’action collective.
La Harvard Business Review
Fondée après la Première Guerre mondiale, cette revue mensuelle publie des articles rédigés par les professeurs et les chercheurs de la Harvard Business School ou d’autres écoles renommées. Elle permet à ses lecteurs, souvent des anciens élèves, de suivre les travaux de leurs maîtres comme les progrès de la recherche et l’évolution des idées. Elle est relayée par des éditions étrangères, et diffusée auprès d’un grand nombre de décideurs internationaux.
La Harvard Business Review existe en version papier mais également en ligne : http://hbr.org